AU SEUIL DU XX" SIÈCLE 351 qui, par des élargissements successifs, arriverait à englober tous les États du vieux continent dits germains, et bien entendu ceux qui sans être germains formeraient enclave dans cette immense étendue. Les colonies de ces divers États constitueraient dans toutes les parties du monde un immense territoire extra-européen, exclusivement réservé aux exportateurs du grand empire germanique. Il y a déjà dix-sept ans, M. de Caix de Saint-Aymour a entrevu, avec une perspicacité remarquable, mais qui sans doute alors ne fut guère appréciée, les premières phases de cette gigantesque opération. Il a merveilleusement compris qu’elle devait commencer par l’absorption de l’Autriche. « Pour les Allemands, en effet, l’Autriche n’est qu’une avant-garde, un pionnier de l’Allemagne en Orient, et sa mission est de civiliser, c’est-à-dire de germaniser tout le sud-est de l’Europe. Pour les politiciens de Berlin, la forme actuelle de la monarchie des Habsbourg n’est qu’une forme provisoire, préparatoire, qui ne doit durer qu’aussi longtemps qu’elle sera nécessaire pour couvrir de son drapeau l’infiltration lente des Germains dans la vallée du Danube ; tous les pays soumis à l’Austro-Hongrie sont considérés dès à présent comme autant de provinces d’une Grande-Alle-magne future et les nations qui les habitent comme des vassales de la race allemande (1). » « Le grand jeu se joue à Vienne et à Pesth, et c’est l’Au-triche-llongrie que l’Allemagne pousse sur la route du Bosphore. Les deux étapes de cette route sont faciles à déterminer. « Première étape : ii L’Austro-Hongrie, démesurément étendue vers l’Orient, devient réellement l’empire de l’Est... à la condition, cela va sans dire, d’abandonner à la Grande-Allemagne les sept millions de Germains qu’elle détient encore. (1) De Caix de Saint-Aymour, les Pays sud-slaves de l’Austro-Hongrie, p. 288. Pion, Paris, 1883.