154 I/EÜROPE ET LA QUESTION D’AUTRICHE une population en réalité ethnographiquement identique aux Petits-Ilussiens de la région de Kiev, ce qui inclinerait aussitôt à admettre que les Ruthènes de Galicie, fraction du peuple petit-russien, ont intérêt à être réunis aux quinze millions (1) de leurs frères vivant sous le sceptre du Tsar. Il n’en est cependant point ainsi. Le gouvernement de Péters-bourg ne considère pas les Petits-Russiens comme une nation distincte. Il ne voit en eux que des Russes relevant de l’administration centrale et s’efforce d’empêcher tout ce qui pourrait les différencier des grands Russes de la région de Moscou. Il est, par suite, résolument hostile à tout ce qui pourrait réveiller l’esprit particulariste des Petits-Russiens, et il est possible, comme certains l’affirment, que cette attitude soit conforme à leur véritable intérêt. Quoi qu’il en soit de ce point de vue (il ne rentre pas dans le cadre de ce travail de l’examiner), les Ruthènes de Galicie n’ont pas à supporter de semblables contraintes. Sans doute, leurs chefs politiques ne se déclarent point satisfaits et demandent aux Polonais de Leopol de nouvelles concessions. Il n’en est pas moins certain toutefois qu’ils parlent librement leur langue, l’impriment sans la moindre autorisation, possèdent des collèges où on l’enseigne sans entraves et ont des partis politiques où toutes les nuances de l’opinion peuvent se produire au grand jour. Les Ruthènes de Galicie se trouvent donc dans une situation privilégiée par comparaison avec celle de leurs frères de Russie. Le maintien de ces avantages exige qu’ils restent dans le cadre de la Gisleithanie ; par suite, ils sont fermement autrichiens. Ils sont également fédéralistes, puisqu’ils réclament des Polonais la concession d’une autonomie d’un type spécial (2). Or, fraction du grand parti fédéraliste cisleithan, (1) Chiffre moyen entre ceux donnés par les auteurs petits-russiens. (2) Ce type est fort difficile à déterminer en raison de ce fait que les Ruthènes occupent seulement les districts ruraux de la Galicie orientale, les villes étant polonaises.