292 L’EUROPE ET LA QUESTION D’AUTRICHE évident qu’elle constituerait la plus dangereuse des folies. Il n’en sera peut-être bientôt plus ainsi; l’équilibre des forces, qui s’est établi lentement au cours des trente dernières années et qui garantit la paix, semble en voie de se rompre. L’examen de ce point de vue me conduit à considérer la valeur de l’armée française. C’est un sujet que ma qualité de Français rend particulièrement délicat à traiter. Il le faut cependant. Le coefficient de force de l’armée française est un des éléments essentiels de la « question d’Autriche » , et d’ailleurs je ne ferai que rappeler des faits constatés par la presse universelle, dont la morale évidente se déduit logiquement. Après la guerre de 1870, la reconstitution des forces militaires de la France a été réalisée avec une rapidité étonnante. La revue de. Châlons (octobre 1896), donnée en l’honneur de Nicolas II, a marqué le point culminant de cette œuvre de réfection. Un souffle de patriotisme animait visiblement les superbes régiments présentés par le gouvernement de la République à l’admiration du Tsar. Une impression puissante se dégageait de ces masses profondes. On sentait que le travail essentiel était terminé et qu’il suffisait d’entretenir, en le perfectionnant dans le détail, un organisme magnifique. Depuis lors, des événements, sans précédents dans l’histoire des peuples, sont survenus, qui certainement sont susceptibles de modifier ce jugement. Dans sa lettre de démission (1), le général Jamont, exgénéralissime des armées françaises, a constaté la ruine du (1) Paris, 2 juillet 1900. Monsieur le Ministre, L’instabilité du chef d’état-major de l’armée est incompatible avec la formation et la conduite des armées de campagne. Au début d’une guerre, le commandant d’un groupe d’armées a besoin d’un collaborateur ayant toute sa confiance, qui soit renseigné sur l’ennemi et qui connaisse la mobilisation pour en avoir préparé les détails. Puisque à Vavenir il n en sera plus ainsi, les difficultés déjà si grandes