164 LA QUESTION DU MAROC donne du Rogui. L’agitateur travaille-t-il pour son propre compte, a-t-il l’ambition de se substituer lui-mème au sultan actuel, ou voudrait-il mettre à sa place quelque autre prétendant, soit Mouley-Mohammed, soit le marabout du Taze-roualt, soit tout autre? il est difficile de le savoir, et peut-être Bou-Hamara ne le sait-il pas très bien lui-même. Ce qui paraît sur et très caractéristique, c’est qu’il est affilié à la grande et puissante secte des Derkaoua, et le fait que sa fortune a commencé dans le Metghara, centre d’action et d’influence des Derkaoua, confirme qu’il n’est sans doute que l’instrument de cette confrérie aux lointaines ramifications, et le représentant du particularisme berbère. On sait que l’ordre des Derkaoua 1, fondé au siècle dernier par Mouley-el-Arbi-el-Derkaoui et son fils Mohammed-ben-el-Arbi-el-Alaoui, de Metghara, a trouvé des adeptes surtout parmi les tribus berbères; très puissant et très répandu, il est, au Maroc, en quelque sorte l’analogue de ce qu’est, dans le Sahara et la Tripolitaine, la secte des Senoussites ; il répond à la passion d’indépendance politique et religieuse qui a été, de tout temps, le caractère distinctif des Berbères. Les Derkaoua se recrutent parmi les pauvres; avec leurs bâtons et leurs chapelets, ils parcourent les douars et les bourgades, comme jadis nos moines mendiants ; ils s’astreignent à des pratiques particulières, comme de répéter un certain nombre de fois les formules du Coran; dans la prière, ils ne mention- 1. Cf. N. Lacroix, les Derkaoua d’hier et d’aujourd'hui (Alger, 1903, brochure).