32 INTRODUCTION mise, et, dans un avenir plus ou moins éloigné, probablement perdue; c’eût été, immédiatement, une nouvelle frontière européenne créée pour nous en Afrique et, en cas de guerre générale, le 19e corps immobilisé, insuffisant même pour arrêter l’invasion des Italiens unis aux Anglais ou aux Allemands. La Grande-Bretagne elle-même comprit le péril et sentit que, comme l’avait écrit, dès 186-1, M. de Carné i, « la Méditerranée n’est vraiment menacée de devenir une mer territoriale qu’au profit de l’Italie si celle-ci devenait une grande puissance maritime » ; ce fut ce sentiment et le souci de faire oublier, par la France qui avait été avec elle, en 1855, la gardienne de l’intégrité de l’empire ottoman, la prise de possession de l’île de Chypre, qui engagèrent lord Beaconsfield et lord Salisbury à ne pas s'opposer à la mainmise de la France sur la Régence de Tunis. M. de Bismarck, de son côté, vit sans déplaisir s’accomplir un événement qui brouillerait irrémédiablement les anciens alliés de 1859. C’est l’honneur de Gambetta et de Jules Ferry d’avoir compris que la possession de la Tunisie était, dans la lutte pour la Méditerranée, l’avantage décisif. D’orateurs d’opposition qu’ils étaient sous l’Empire, la guerre de 1870 les avait transformés en hommes d’iitat ; l’adversité avait été pour eux la meilleure des écoles et, plus heureux que bien d’autres, en passant de l’opposition au pouvoir, ils avaient beaucoup oublié et beaucoup 1. L'Ami de la Religion, VII, p. 500.