IiA QUESTION DU MAROC tantôt une partie et tantôt une autre ou y envoie son armée ; les troupes vivent sur le pays, tant qu’elles y trouvent leur subsistance ; elles mangent et ravagent tout, et elles se retirent enfin, chargées de tout le butin qu’elles ont pu ramasser et des têtes rebelles qu’elles ont pu moissonner, emmenant les bestiaux et traînant de lamentables files de prisonniers, enchaînés, dix par dix, à une énorme chaîne de fer qui use leurs jambes et scie leurs clavicules. Le butin ira grossir le trésor du sultan; les têtes, salées par les soins des juifs, se dessécheront sur les crocs qui ornent les portes des palais impériaux et des kasbahs des grandes villes; quant aux captifs, entassés dans d’épouvantables prisons, dont les cachots chinois peuvent seuls égaler l’horreur, ils périront lentement de fièvre, de misère et de faim, tandis que, pour leur procurer quelque nourriture, leurs femmes iront rôder autour des camps et offrir leur corps à tout venant. Sur cet agrégat anarchique de tribus, sur cette société théocratique et féodale, ce sont les diplomates européens, les nôtres surtout, qui ont dessiné la trompeuse façade d’un État centralisé et d’un pays unifié. Une tribu des frontières, une troupe de pillards venait-elle faire une incursion sur notre territoire algérien, razzier quelques-uns de nos indigènes, notre diplomatie adressait une plainte au sultan et lui demandait une indemnité, comme s’il avait été le maître de tout le territoire que nous appelons « Maroc ». Si cette étrange procédure n’avait eu d’autre inconvénient que de retarder indéfiniment la solution des affaires les