114 LA QUESTION DU MAROC ses vergers et ses champs. Si l’on ajoute que l’étude géologique du Maghreb et les indices recueillis par les voyageurs permettent de croire que le sous-sol renferme des mines de charbon et de différents métaux, l’on s’étonnera plus encore que tant de ressources naturelles restent inexploitées, et l’on se souviendra sans surprise que, selon Diodore, les Phéniciens avaient fondé sur la côte africaine, au delà des colonnes d’Hercule, trois cents comptoirs dont ils tiraient toute sorte de richesses, et qu’au temps des Romains, des villes florissantes, comme Volubilis, prospéraient dans les plaines de l’ouest. La nature, dans ces contrées privilégiées, n’a pas changé ; elle n’est devenue plus avare ni de ses eaux fécondantes, ni de son soleil vivifiant ; mais la rage des hommes s’est appesantie sur elles ; le musulman est venu, et le grand silence de l’islam s’est étendu sur le pays ; il a fermé sesportes à la vie. Ce sont les brigandages, l’anarchie, les impôts écrasants et les exactions des caïds qui condamnent ce sol fécond à une stérilité artificielle. Que le « Maghreb sombre » reste étroitement confiné dans son isolement, « afin qu’il y ait un dernier pays où les hommes fassent leur prière 1 », un dernier pays où l’argent ne soit pas tout et où il soit permis au vagabond, drapé dans ses loques, de circuler, au hasard de sa fantaisie, sans crainte du gendarme, nourri dans les mosquées et accueilli comme l’hôte envoyé d’Allah ! Sur quelles lèvres 1. Pierre Loti, Au Maroc, p. 357 (Catmann-Lévy).