BIZERTE 337 tages de sa situation incomparable lui inspire une foi entière en sa fortune : elle vit de travail et d’espérances. Tunis parfois prend ombrage des ambitions de sa jeune rivale et raille volontiers ses visées grandioses; Bizerte n’en a cure : elle se complaît dans l’attente de sa gloire future et, à son tour, elle se moque de l’étroit bassin d’une douzaine d’hectares qui sert de port à Tunis et dont l’hélice des paquebots remue la vase ; elle rit du long et maigre boyau qui y conduit lentement les bateaux. Elle ne prétend pas devenir la capitale de la Régence ; elle aspire à un rôle aussi beau, mais différent : devenir un grand port militaire, une citadelle de la « plus grande France ». L’amiral Gervais, l’un des hommes qui ont veillé, avec le plus d’énergique sollicitude, sur les premières années de Bizerte, précisait joliment la vocation des deux villes, quand il disait : « Dans l’Afrique du Nord, à côté de Tunis la Blanche, se trouvera Bizerte la Forte. » Quand elle contemple son merveilleux lac, vaste et profond, abrité des vents du large, comme des injures d’une flotte ennemie, son canal et son port, les gracieuses collines qui s’inclinent vers elle et le promontoire du Djebel-Zerhoun qui, en face de la Sicile, sépare en deux bassins la grande mer Intérieure, Bizerte peui être fière d’elle-même et confiante dans ses destinées; il lui semble, dans son rêve d’avenir, que le sceptre de la Méditerranée peut échoir, un jour, à l’héritière de Carthage 1. 1. Ce chapitre, para d’abord dans la Revue des Deux Mondes, a été réimprimé, dans un charmant volume illustré, par les soins 22