168 LA QUESTION DU MAROC les remparts de la malheureuse ville. En tout cas, ce que nous avons dit de Taza suffira à faire comprendre pourquoi Bou-Hamara en fait le centre de ses opérations et de quelle importance est, pour la sécurité et l’avenir du Maroc, la possession de la ville et du carrefour qu’elle commande. Au nord de la trouée de Taza habitent les tribus desDjebala et du Rif ; au sud, c’est le pays des Brâber, la région la plus sauvage, la plus impénétrable du Maghreb. C’est là, dans les hautes vallées de l’oued Sebou, de la Moulouya et de leurs affluents, sur les flancs du Moyen-Atlas et des chaînes parallèles qui s’étagent jusqu’aux sommets neigeux du Grand-Atlas, que le sang berbère s’est conservé pur de tout alliage étranger. Les tribus, jalousement indépendantes vis-à-vis du sultan, ne le sont pas moins les unes vis-à-vis des autres ; guerrières et fanatiques, elles maintiennent, dans leurs montagnes et dans leurs hautes vallées, les coutumes et les traditions immémoriales de la race. Ici, nous sommes en plein bled-es-siba \ le sultan n’a, chez les Brâber, aucune autorité ; il se contente de profiter de leurs divisions intestines, de leurs constants démêlés, pour soudoyer telle ou telle fraction, fournir des subdides à tel ou tel chef : il parvient ainsi à neutraliser les unes par les autres ces remuantes tribus. Chaque douar a son chef, chaque fraction sa djemaâ, chaque tribu son ou ses amrar \ les rivalités, les haines locales, les vendettas de famille, rendent toute confédération, toute concentration de troupes impossible, même dans le cas où la guerre sainte viendrai