148 LA QUESTION DU MAROC combats sont livrés. Mais les nouvelles, écloses dans les profondeurs du Maghreb, nous parviennent déformées, grossies ou atténuées selon les besoins du moment et les intérêts des intermédiaires. Ce n’est pas seulement pour avoir encouru la disgrâce du Maître que le correspondant du Times, M. Barris, a quitté à franc étrier le camp du sultan, dès que les événements ont paru devenir graves; c’est aussi pour rejoindre, dans sa jolie maison voisine de Tanger, l’extrémité du fil par où il renseigne l’Europe et le monde. Par l’Algérie, où l’opinion publique s’alarme et s’énerve si facilement, les nouvelles du Maroc nous arrivent souvent amplifiées, poussées au noir. Les colonies juives de Fez et des grandes villes du Maghreb, dans l’espoir de provoquer l'intervention européenne qui mettrait fin à l’insécurité de leur situation, propagent, de leur côté, les bruits les plus alarmants. A l’heure où, sous les yeux attentifs des grandes puissances, le Maroc traverse une crise dangereuse, qui pourrait servir de prétexte à des interventions étrangères, l’art de présenter, d’habiller les nouvelles est une partie essentielle de la stratégie politique. Nous chercherons tout simplement, dans ce chapitre, à éclairer le lecteur français sur l’origine, l’importance et les conséquences possibles du conflit actuel, à l’aider à comprendre et à apprécier les nouvelles qui lui arrivent d’un pays, proche du nôtre sur la carte, mais infiniment éloigné de nous par ses mœurs et sa civilisation, à se représenter les personnages et la scène du drame qui se joue sur les bords de l’oued Sebou et de l’oued Innaouen.