36 INTRODUCTION humanitaires ; mais, pour avoir contristé l’Italie et renié les utopies que certains républicains voulaient faire passer pour la « tradition républicaine », Jules Ferry tomba du pouvoir sous les coups de M. Clemenceau. Les colères des mystiques de l’humanitarisme étaient désintéressées ; celles des Italiens l’étaient beaucoup moins; ils ont toujours su se servir habilement des passions politiques et des billevesées philosophiques, dont eux-mêmes se gardent d’être les dupes, pour couvrir leurs appétits nationaux. Dès le mois de mai 1881, l’élite de la maçonnerie italienne et du parti radical transalpin avait écrit à Victor Hugo une lettre où elle flétrissait la politique française en Tunisie comme une atteinte à l’idéal d’une fédération européenne. Ces indignations n’étaient pas encore apaisées, ni ces rancunes assouvies, quand le principal chef de la démocratie radicale italienne, Francesco Crispi, devint président du Conseil (7 août 1887). Le proconsulat de M. Crispi marque, entre la France et l’Italie, la période d'extrême tension; la triple alliance, déjà conclue entre l’Allemagne, l’Italie et l’Autriche-Hongrie, devient plus manifestement hostile à la France et plus ouvertement destinée à l’arrêter dans son relèvement ; M. Crispi commence cette politique de coups d’épingle et de provocations qui eût probablement amené laguerre sans la patience et le ferme dédain de la nation française et sans la volonté nettement déclarée du tsar Alexandre III. En même temps, l’imagination grandiose de M. Crispi l’entraînait aux aventures