118 LE MAROC Sil’opinîon publique, dans la plupart des grands pays, se montre inquiète et nerveuse dès qu’un incident survient au Maghreb ; si les représentants des puissances, à Tanger, se surveillent les uns les autres avec tant de jalouse âpreté, c’est que le passage le plus fréquenté du monde, le détroit de Gibraltar, est marocain par l’une de ses rives. Le Djebel-Mousa, qui domine, de plus de 8S0 mètres, l’étranglement le plus étroit du canal, est en territoire marocain. Aussi a-t-on vu jusqu’ici toutes les nations commerçantes, alors qu’elles auraient un intérêt évident à l’ouverture de l’empire des chérifs au trafic universel, s’opposer avec énergie à ce que l’une d’elles assume la charge de l’administrer, d’y faire régner la sécurité, d’y créer des ports et des voies ferrées ; toutes redoutent que celle qui dominerait au Maroc ne soit tentée, en cas de guerre, d’entraver la navigation dans le détroit. Ainsi, la « question du détroit » est impliquée dans celle du Maroc. Aucune puissance ayant une flotte et des intérêts sur mer, pas plus les États-Unis ou le Japon, que l’Allemagne, la France ou l’Italie, ne peut admettre que la Grande-Bretagne, assise sur son rocher de Gibraltar, occupe la côte marocaine du détroit, ou môme un seul point de cette côte, et possède ainsi la mâchoire inférieure de cette bouche formidable dont Gibraltar est la maîtresse dent. Et de même, il est certain qu’actuellement, la Grande-Bretagne ne permettrait pas qu’une grande puissance maritime prît position en face de Gibraltar et que Tanger, d’où la garnison anglaise tire chaque jour ses subsistances,