L’ENTENTE franco-italienne 13 sur notre civilisation et les souvenirs qu’il a laissés sont encore créateurs de vie et de formes politiques nouvelles ; mais ces fantômes du passé, qui errent à travers l'histoire comme s’ils cherchaient à se réincarner, sont aussi générateurs d’illusions : sous l’aiguillon des circonstances, elles apparaissent de temps à autre et viennent prêter, à des passions très définies ou à des intérêts très précis, le manteau vague d’une idée générale propre aux développements oratoires et aux manifestations sentimentales. La« fraternité latine», c’est-à-dire l’idée d’une union naturelle et nécessaire entre les trois grandes nations « latines », l’Espagne, l’Italie et la France, est l’une de ces tenaces illusions. Apparue, depuis quelques années surtout, dans le langage de la politique et du journalisme, elle s’est développée par analogie avec la conception du pangermanisme et celle du slavisme. Mais celles-ci du moins s’incarnent dans une seule grande nation et tirent de sa puissance leur réalité ; au contraire les Romains d’autrefois n’existent pas plus aujourd’hui que les anciens Grecs ; ces vieilles races historiques, après avoir parcouru leur cycle glorieux, se sont dissociées, se sont mêlées à des éléments hétérogènes, et des peuples nouveaux en sont issus. Les Français d’aujourd’hui, les Italiens, les Espagnols, les Roumains, diffèrent à peu près autant les uns des autres qu’ils diffèrent des Allemands ou de tout autre peuple dont la civilisation romaine et le christianisme ont contribué pour la plus forte part à former le caractère et la mentalité. M. Alfred Fouillée a montré, dans ses études sur les diverses