102 1A QUESTION DU MAROC fournir à leurs passions autonomistes l’occasion de prouver leur invincible persistance. M. H. de la Martinière a montré1 que l’idée directrice du gouvernement de Mouley-el-Hassan avait été la lutte contre le particularisme des tribus ; toute sa vie se passa à combattre l’influence do Moham-med-ben-el-Arbi-el-Derkaoui, fondateur de la confrérie des Derkaoua, qui incarnait à ce moment les résistances berbères. Le sol du Maghreb, avec ses hautes montagnes, ses plateaux sauvages, a favorisé ces tendances à un farouche isolement, en offrant aux tribus des forteresses naturelles ; bon nombre d’entre elles, dans le Rif et dans les massifs de l’Atlas surtout, ne parlent ni ne comprennent l’arabe ; d’autres, qui ont adopté la langue des conquérants, n’en jouissent pas moins d’une indépendance à peu près complète ; si elles révèrent, dans la personne du sultan, l’héritier du Prophète, ces très platoniques et très lointains respects ne suffisent pas à créer un lien politique solide. Les populations des plaines et les habitants des bonnes villes, qui obéissent aux caïds nommés par le sultan et payent régulièrement l’impôt, constituent le « pays de l’administration», le bled-el-maghzen ; les autres, qui ne le payent pas du tout ou attendent, pour s’exécuter, qu’une armée chérifienne envahisse leur territoire, ravage leurs moissons et ruine leurs villages, et qui vivent dans leurs montagnes au gré de leur humeur 1. Le Règne de Mouley-el-Hassan ( Revue des Deux Mondes du 15 septembre 1894).