LA RÉVOLTE DU ROGUI 149 I Coups de fusil, batailles de tribu à tribu, anarchie etbrigandage, cheurfa 1 turbulents, marabouts factieux, caïds révoltés, ne sont pas, au Maroc, choses extraordinaires ; les événements qui s’accomplissent n’ont rien d’anormal ; ils sont la conséquence naturelle de l’état social, politique et religieux du Maghreb. Nous avons dit que l’autorité du sultan ne s’est jamais exercée que sur une faible partie du pays que nous appelons, à tort, son « empire », et que la plupart des tribus berbères des montagnes échappent complètement à son action. Guerroyer contre le sultan n’apparaît, aux tribus du bled-es-siba, ni comme une trahison, ni comme une révolte : là où il n’y a jamais eu soumission, il ne saurait y avoir insurrection. A travers l’histoire du Maroc, on rencontre à chaque pas des épisodes analogues à ceux qui se déroulent en ce moment sous nos yeux. Mouley-el-Hassan, le père du sultan actuel, n’a-t-il pas passé sa vie à cheval, dans son camp, à la tôte de ses troupes, courant du Rif au Tafilelt et des bords de l’Ailantique à la frontière algérienne? N’a-t-il pas été, au début môme de son règne, rudement battu par ces mêmes Riata qui sont aujourd’hui les plus hardis partisans du prétendant? N’a-t-il pas usé ses forces et ses jours sans achever cette tâche de Pénélope et ne l’a-t-il pas léguée, avec le lourd fardeau du 1. Cheurfa, pluriel de chérif.