LA VIE RELIGIEUSE, POLITIQUE, SOCIALE 109 III A notre époque d’impitoyable concurrence, vivre comme un anachronisme parmi les hommes et les choses de son temps, c’est se condamner à une claustration rigoureuse ou s’exposer au péril d'une domination étrangère. L’exemple du Maroc le prouve, lui qui, à cheval sur l’Atlantique et la Méditerranée, dans l’une des positions les plus avantageuses du monde, et recélant tant de richesses dans son sol et son sous-sol, reste plus fermé qu’une Chine, plus inaccessible qu’un Thibet. A mesure que nos civilisations s'avancent dans la voie du progrès matériel, et que des inventions nouvelles rendent toujours plus faciles et plus rapides les échanges entre les peuples, le Maghreb, de plus en plus, s’isole. Jadis, ses bateaux légers allaient trafiquer jusqu’en Orient, ses pirates venaient piller jusque sur les côtes de Provence et d’Italie, ce qui, après tout, est encore une manière d’avoir des relations avec ses voisins 1. Il n’y a plus de flotte marocaine, que les trois bâtiments du sultan qui dansent sur leurs ancres dans la baie de Tanger. Quant aux ports, non seulement il n’en existe pas un seul, ni un seul phare ( sauf le phare international du cap Spartel ) ; non seulement il faut, quand le temps le permet, débarquer les 1. Voyez, sut les Corsaires de Salé, l’article du comte Henri de Castries, dans la Revue des Deux Mondes du 15 juillet 1903. Il montre que les fameux marins et corsaires marocains étaient, à peu prés tous, des renégats ou des prisonniers chrétiens.