56 INTRODUCTION Turquie. On évite de prononcer les mots propres, on ne parle qu’avec réserve des « événements qui mûrissent sur le flanc du monde latin, dans la direction de l’Orient1 »; mais les visées de la politique italienne sont faciles à pénétrer. Une union des Slaves du Sud ou jougo-slaves (Croates, Slovènes, Serbes, Bosniaques),sous le haut patronage de l’Italie, la fondation d’un empire slave dans les Balkans et sur la Save, favoriseraient les ambitions duQuirinal dans la Péninsule. Un chemin de fer partirait d’Antivari, le port monténé-rin, et s’enfoncerait à travers les pays jougo-slaves pour rejoindre Belgrade et, par delà le Danube, la Russie. Il permettrait aux produits italiens de s’écouler vers l’orient slave, et à l’influence italienne de s’exercer dans les Balkans. A la cour de Cettigne s’opérerait la fusion des forces hétéroclites qui s’agitent dans le Balkan slave et la réconciliation des fractions, séparées par la religion etl’histoire, des races jougo-slaves. Le noble prince Nicolas de Monténégro a exprimé ces espérances et ces rêves dans son beau drame l’impératrice des Balkans 2. Le roi d’Italie est le gendre du prince, et l’avènement au trône de Serbie, à la suite de l’horrible tragédie de Belgrade, d’un autre gendre du prince, Pierre Ier Karageorgevitch, a surexcité les espérances du Monténégro et les ambitions de l’Italie. L’une et l’autre comptent sur les bonnes dispositions du tsar Nicolas, lui aussi allié à la famille princière du Monténégro. 1. Ouv. cité, Introduction, p. xi. 2. Traduit dans la Revue d'Europe (août 1899).