LA TRIPOLITAINE 297 Barka, l’aspect du pays change ; si les ports sont peu fréquentés et les terres peu productives, c’est que l’activité de l’homme, sur ces bords où s’élevèrent les « cinq villes » de la Cyrénaïque, ne répond plus aux faveurs du climat et à la fertilité du sol; si les campagnes et les villes semblent plongées dans une profonde léthargie, c’est le régime politique et religieux qu’il en faut accuser ; la nature, ici, est spontanément féconde. Les sommets élevés, comme le Zeus d’Homère, sont « assembleurs de nuages », et, comme dans le mythe si poétique de Danaé, la nuée, lorsqu’elle vient rafraîchir le sein brûlant de ces terres sahariennes, laisse tomber une pluie d’or, génératrice de vie. La côte, sèche, bordée d’une falaise crayeuse, blanchâtre, est redoutée des marins et peu hospitalière. Les Grecs de Théra, lorsqu’ils y abordèrent, au septième siècle avant notre ère, s’établirent d’abord dans une île et n’y trouvèrent pas les riches pâturages promis par l’oracle de Delphes ; après deux ans d’efforts inutiles, Battos, leur chef, alla porter ses plaintes au dieu; mais Phébus, apparemment bien renseigné, lui reprocha son peu de foi et son manque d’énergie : « Tu veux, répondit la pythie, connaître le pays, sans y être allé, mieux que moi qui y suis allé. » Les colons comprirent qu’ils avaient manqué de persévérance et qu’ils n’avaient pas su découvrir les trésors promis par l’oracle ; revenus en Afrique, ils s’installèrent, cette fois, sur le plateau, auprès d’une magnifique source jaillissante, que les Arabes, encore aujourd'hui, nomment « la mère