54 INTRODUCTION Trieste devrait donc être italienne, d’autant plus que la classe qui y est « socialement supérieure », c’est la population italienne. L’on nous donne, en outre, à l’appui de ces revendications, des arguments historico-géogra-phiques. Le front de mer du côté adriatique « est un front que la nature et l’histoire ont disposé pour empêcher l’accès des États de l’Europe centrale à la Méditerranée » ! Et quand Trieste, les îles de l’Illyrie, Vallona et l’Albanie seront sous le sceptre de la maison de Savoie, quand l’Italie sera décidément toute-puissante dans l’Adriatique, c’est alors que 1’« équilibre » sera vraiment établi. Réaliser cet « équilibre » à un seul, c’est le premier but de l’irrédentisme contemporain. Le régime de la triple alliance arrachait « l’Italie à sa politique séculaire ». Maintenant que l’entente austro-russe de mai 1897, renouvelée en 1903, assure un partage équitable de l’influence des deux empires dans les Balkans et éloigne de l’Adriatique « le péril russe qu’y redoutait l’Italie », celle-ci peut revenir à sa politique de lutte contre le germanisme, représenté par la maison d’Autriche, et à l’irrédentisme. A Trente, lutte énergique contre l’élément autrichien1 ; à Trieste, propagande italienne, voilà le programme que la Société Dante-Alighieri et la Lega nationale travaillent ardemment à réaliser. Trieste, « franchement italienne d’aspect, de mœurs et surtout de 1. L’incident de l’université d’Insprück a provoqué récemment des manifestations significatives, à Rome et dans la plupart des grandes villes, an cri de : «Vive Oberdank » (l’assassin irrédentiste).