GIBRALTAR 407 anglaise lui demanderait peut-être. A tous les points de vue, le gouvernement de Madrid serait bien inspiré en augmentant la garnison d’Algésiras et en plaçant, sur les hauteurs qui bordent la baie, assez de canons pour empêcher une surprise, repousser un débarquement et résister jusqu'à la mobilisation de l’armée nationale. Faute de ces précautions, l’Espagne peut se trouver entraînée, soit à une guerre, soit à une abdication cruelle; elle choisirait la première, mais elle y perdrait ce qui lui reste de ses colonies et, tout d’abord, Ceuta, dont les quelques canons modernes ne résisteraient pas longtemps au bombardement d’une escadre. Occuper Ceuta, tenir en face de Gibraltar, soit au Monte-Acho, soit au Djebel-Mousa, l’autre pilier de la gigantesque porte, serait, pour la puissance anglaise dans la Méditerranée, un merveilleux complément ; elle aurait vraiment en main, cette fois, les clés du détroit ; les feux croisés des canons des deux rives en fermeraient efficacement l’issue. Nous avons vu, d’autre part, que c’est Tanger qui nourrit la garnison anglaise et la population de la ville. Que la côte marocaine du détroit vienne à tomber entre les mains d’une grande puissance militaire, et voilà Gibraltar menacé de famine ! On comprend maintenant pourquoi le seul fait d’occuper, depuis deux siècles, un rocher sur l’une des rives du détroit oblige les Anglais à ne pas se désintéresser des affaires marocaines. A maintes reprises, ils sont intervenus, soit pour tenter de s’établir eux-mêmes sur la rive sud du détroit, soit pour en éloigner une