394 GIBRALTAR à-tête, à travers les 500 mètres de lazone neutre, et franchit les bâtiments de la douane où tous, hommes et femmes, un par un, sont fouillés sans merci ; la cohue se disperse à travers le Linea de la Concepcion. C’est le nom d’une ville, ou plutôt d’un grand village de 30 000 âmes, qui s’est fondé là, avec tout ce qui n’a pas trouvé place sur le rocher. Ville de journaliers, de maraîchers, de contrebandiers, d’anciens forçats, très fréquentée parles soldats anglais en maraude, la Linea, avec ses rues cahoteuses, puantes et bourbeuses, ses maisons chétives, ses cabarets et ses bouges, avec son air de misère physique et morale, fait un contraste violent avec la propreté et l’ordre des rues de Gibraltar : il serait d’ailleurs très injuste de juger de l’Espagne par ce bourg cosmopolite ; la petite ville de San-Roque, à quelques kilomètres de là, bien que l’on y sente encore la proximité de la frontière, est plus coquette et plus originale : là vraiment commence l’Espagne. Sur le rocher de calcaire aride, l’ingéniosité du gouverneur George Don a créé un délicieux jardin et une promenade, l’Alameda, dont les ombrages verdoyants s’étendent au sud de la ville, au delà de la porte du Prince-Edouard ; une végétation luxuriante s’y développe, les plus beaux arbres et les fleurs les plus charmantes du domaine méditerranéen y poussent. C’est là que les habitants, les officiers et les soldats viennent chercher, l’été, un abri contre les ardeurs du soleil. Le climat de Gibraltar est, en effet, très désagréable : en hiver, les vents d’est lui apportent des brouillards opaques, qui rappellent aux Anglais ceux de Londres ;