GIBRALTAR 401 mais un établissement maritime complet, on s’aperçut que le port, la ville, les casernes, les forts, tout est situé à bonne portée, pour des pièces modernes de gros calibre, placées, en territoire espagnol, sur tout le pourtour de la baie d’Algési-ras. La sierra Carbonera, qui domine, au nord, la Linea, n’est guère qu’à 6 kilomètres du Vieux-Môle, et, de la pointe Carnero et des collines qui bordent la baie jusqu’aux quais de la ville, la distance varie entre 5 500 et 9 000 mètres. A pareille portée, sur un but immobile, le tir de la grosse artillerie est d’une terrible efficacité 1. Depuis longtemps, le péril était connu des hommes compétents. Dès 1890, sir CharlesDilke, dans ses Problems of Great-Britain, avait montré que la valeur militaire de Gibraltar se trouvait, par suite des progrès de l’artillerie, très notablement amoindrie. Mais, soit que le cabinet de Londres comptât sur la neutralité de l’Espagne, soit qu’il crût que le gouvernement espagnol s’abstiendrait de placer des canons sur les points menaçants, soit enfin qu’il eût en réserve des moyens connus de lui pour empêcher, en cas de guerre, les Espagnols d’occuper les alentours de la baie, il n’hésita pas à commencer les grands travaux actuellement en cours. Pendant le conflit hispano-américain, des canons furent amenés jusqu’à Algésiras et quelques-uns même jusqu’aux emplacements qu’ils auraient dû occuper ; mais ils ne 1. Cf. Comment prendre Gibraltar, par H. do Noussane, dans Armée et Marine du 31 août 1902 ; — ou encore : la Question de Gibraltar, par Charles Malo, dans le Journal des Débats du 29 juin 1901. 26