108 LA QUESTION DU MAROC terait la dynastie et installerait à sa place quelque chérif populaire, peu suspect de mépriser les vieilles mœurs1. Une réforme radicale du gouvernement marocain ne pourrait être réalisée qu’avec l’aide et sous l’inspiration d’une puissance étrangère, qui prêterait au sultan son concours pour briser les résistances intérieures; mais alors, le Maroc ne serait plus qu’en apparence le Maroc ; le sultan continuerait de faire les gestes qui commandent, les caïds ne cesseraient pas d’exercer leurs fonctions, mais l’impulsion directrice et la force régulatrice viendraient du dehors : le Pro-tectotat serait fait. Appelée par un sultan réformateur ou provoquée par une crise intérieure, l’introduction d’un élément étranger dans les destinées du Maghreb-cl-Aksa paraît probable. Abandonné à lui-même, soit à cause de l’inertie, soit à cause des rivalités jalouses des grandes puissances, le Maghreb pourrait demeurer indéfiniment dans ce moyen âge où il s’endort; et peut-être, peu à peu, des sultans énergiques et éclairés parviendraient-ils à lui faire faire, dans le monde, figure d’Etat moderne. Mais le Maroc n’évolue pas en vase clos : riche et fertile, seul intact dans un continent partagé, seul inexploité dans une Afrique partout mise en valeur, il est l’objet d’ardentes convoitises qui ne laisseraient pas à une évolution spontanée le temps de s’y achever. 1. Ces lignes étaient écrites à la fin de l’année 1901 ; nous n’avons pas voulu les modifier. On voit que les événements n’ont guère tardé à confirmer l’exposé général que nous faisions alors.