146 LE MAROC ET LES PUISSANCES EUROPÉENNES ges des plus brillantes civilisations ; et, pour en retrouver les traces, il faut soulever le voile mortuaire qui les cache. Aujourd’hui le muezzin, du haut de son minaret, fait résonner son cri guttural sur La Mecque et sur Babylone, sur Memphis et sur Carthage, sur Tombouctou et sur Téhéran, sur Samarcande et sur Jérusalem, sur Sainte-So-phie et sur Alexandrie. L’islam est un danger dont on a le sentiment très net en écoutant ces mélopées si impressionnantes, quand, à l’heure du Maghreb1, elles retentissent sur les villes enveloppées de crépuscule et semblent voler sur les toits plats pour rejoindre, par delà les campagnes indéfinies, d’autres voix lointaines qui jettent aux quatre vents la même prière. De nos jours, beaucoup des anciennes conquêtes du Croissant lui échappent et renaissent à une vie plus libre et plus féconde : le Maroc n’évitera pas un semblable destin : l’étranger, qu’il redoute et qu’il éloigne de tout son pouvoir, finira par le pénétrer de toutes parts, if forcera les portes de l’antique citadelle de l’islam africain et inaugurera, pour cette terre si belle, où dorment tant de richesses et de souvenirs, une ère nouvelle où le travail amènera la prospérité. Que la France doive être l’ouvrière de cette transfiguration prochaine, c’est, comme l’ont prédit quelques prophètes berbères, ce qu’Allah a écrit au livre des destinées. 1. Maghreb désigne à la fois la coucher du soleil et le pays où le soleil se couche.