CONSIDÉRATIONS SUR L’EMPIRE OTTOMAN. 165 œil européen ne pénètre? On entend dire que beaucoup de dames turques se plaisent à la lecture des productions littéraires de l’Occident. Sous la couverture du roman se cachent souvent bien des idées philosophiques, et, quelque détourné, quelque incertain que soit ce mode de rénovation morale, il peut, à la longue, produire un effet efficace. L’action de la femme dans la famille est plus considérable, peut-être, qu’on ne le suppose. L’histoire dit quel rôle important ont joué, et jouent encore parfois, dans le gouvernement du pays, les sultanes, mères ou femmes des sultans. L’influence des femmes dans le gouvernement intérieur de la famille est sans doute aussi notable; seulement on n’en sait rien en Europe, parce qu’il n’est pas bienséant d’interroger un musulman sur ces questions délicates, et qu’il serait encore moins bienséant pour lui d’en parler. Toujours est-il, cependant, que la femme turque n’est pas l’être avili et annihilé dont on a souvent parlé. Les femmes sortent librement, vaquent, suivant la classe à laquelle elles appartiennent, à leurs affaires ou à leurs plaisirs. On les rencontre en grand nombre dans les bazars et à la promenade, fort peu embarrassées de leur liberté et si peu voilées qu’il semble que le voile ne soit qu’une coquetterie de plus. Leur dignité s’est notablement relevée depuis quelque temps. La polygamie tend de plus en plus à disparaître. Elle n’existe plus, pour ainsi dire, dans les classes moyennes, ni dans les classes inférieures. L’entretien de plusieurs femmes étant une dépense trop lourde, c’est un luxe] que ne peuvent se permettre qu’un petitnombre de privilégiés delafortune, et que restreignent encore les mœurs actuelles et