22 LES PAYS BALKANIQUES. menté, ses pistolets à pierre et les revolvers modernes, achetés dans les ports ou enlevés aux officiers turcs. Au dos, il porte son fusil. Les femmes se chargent de l’alimentation des bandes; ces intrépides marcheuses, pesamment chargées, courent de montagne en montagne, portant sur leur dos d’énormes charges de coucrouss, de farine, de castratina ou viande desséchée, et les munitions qu’elles vont prendre dans les ports, trottinant de roc en roc, à des distances de 150 à 200 kilomètres. La topographie de ces contrées ne permet pas à des troupes organisées de s’écarter des semblants de routes tracées, routes qui, tout imparfaites qu’elles soient, sont plus sûres que les gorges tourmentées. L’Herzégovine presque entière, ainsi que le Monténégro, ne sont qu’un immense amas de rochers, coupé de crevasses et de gorges. La route qui serpente dans ce dédale, est, elle-même, une succession non interrompue d’accidents naturels qui n’ont pu être évités. Jamais ces routes n’ont senti le contact d’un char à roues; les canons ne sauraient être transportés qu’à dos de mulet, et encore ces derniers ne sauraient-ils s’aventurer partout. Dans de pareilles conditions, le rôle de l’insurgé est tout tracé. Les bandes occupent les étages des rochers; elles garnissent chaque ravin et de là, elles assaillent l’ennemi; la riposte de celui-ci est inefficace; les projectiles se perdent dans les mille crevasses de la montagne. Si l’ennemi paraît hésiter, les montagnards se rapprochent; s’il bat en retraite, une poursuite aura lieu de pierre en pierre ; si la retraite devient panique, alors tous ces guerriers, fusil dans la main gauche et le redoutable kandjar dans la main droite,