CONSIDÉRATIONS SUR L’EMPIRE OTTOMAN. 159 dérable, quant à l’époque de ce cataclysme prévu et quant aux circonstances qui pourront le précipiter1. La race turque n’était pourtant dépourvue ni de force, ni de grandeur morale. On s’accorde à reconnaître au Turc, pris individuellement, des vertus viriles que pourraient lui envier la plupart des parasites qui ont vécu à ses dépens. Probe dans ses affaires, sûr dans ses relations, il fait souvent preuve d’une grande noblesse de sentiments et dune remarquable loyauté de caractère. Mais, chose singulière, ces qualités individuelles ne se retrouvent plus dans le peuple pris dans son ensemble. Le désordre administratif, l’absence de toute justice et de tout contrôle sérieux, la tyrannie et la vénalité des fonctionnaires, la duplicité dans les négociations diplomatiques, la nonchalance orientale doublée du fatalisme religieux, des abus de toute sorte et des violences criminelles, tels sont les traits principaux de la vie sociale de la Turquie2. Quelles sont les causes de cette décadence dont le monde musulman offre le triste tableau ? Il serait aussi difficile de les énumérer que de les préciser. Ces causes sont multiples. Elles se trouvent certainement dans une sorte de dégénérescence que 1. Ces lignes ont été écrites avant le déchaînement de la guerre actuelle ; le cataclysme semble aujourd’hui plus proche (mai 1915). 2. « La perception des impôts n’est qu’une exaction perpétuelle, au profit des privilégiés qui occupent les fonctions publiques et des banquiers étrangers qui ont souscritles emprunts ottomans; le gouvernement central n’en profite que dans une presque insignifiante proportion, ce qui entrave toute amélioration sérieuse. » (E. de Laveleye.)