76 LES PAYS BALKANIQUES. par des croupes décharnées, coupées par de profondes crevasses qui servent de lit à quelque torrent sauvage, momentanément grossi par un orage, mais le plus souvent à sec. Les chemins ne sont que d’étroites pistes qui longent des précipices où le voyageur risque à chaque instant de rouler. De loin en loin, dans un élargissement de la vallée ou au fond de quelque petite baie, on rencontre une oasis cultivée; puis recommencent le désert pierreux et la montagne aride. Les montagnes ne laissent de place qu’à de petites plaines, à des vallées étroites, à des bassins fermés. Il n’existe pas de rivières navigables. Les cours d’eau sont des torrents redoutables en hiver et presque entièrement desséchés à la fin de l’été. Les eaux réunies dans les lacs s’écoulent fréquemment par des conduits souterrains, katavothra, tels qu’on en rencontre ordinairement dans les terrains calcaires1. Tel est l’ensemble de la Grèce de nos jours, et l’on est d’autant plus attristé quand l’on pense que cette désolation est le fait de la dévastation des hommes. Des siècles de barbarie ont dû passer sur cette terre ; ils en ont anéanti la richesse comme ils en ont ruiné les monuments, et, pourtant, c’est toujours la langue d’Homère, de Miltiade et de Périclès dont l’harmonie 1. Au commencement du siècle, un éboulement ayant obstrué le katavothron de la plaine de Phonia, en Arcadie*, celle-ci est devenue un très beau lac, jusqu’au moment où une commotion souterraine a de nouveau dégagé le réservoir. La plaine de Stymphale, n’ayant qu’un dégorgeoir trop étroit, on voit chaque année, pendantla saison des pluies, son lac prendre une très grande extension, et, plus tard, lorsque les eaux baissent, les bords en deviennent marécageux et pestilentiels.