12 LES BALKANS FACE A L’ITALIE âpres et dénudées, abruptes et malaisées, sans liaisons suivies avec l’intérieur. Rivages morcelés, frangés de caps et d’îles, bordés de profondeurs, accueillants aux navires du large. Quelques sentinelles suffisent pour en garder les issues, les passes : Gibraltar, Malte, Port-Saïd. Cirque nautique éternel, où les routiers du monde furent toujours les maîtres, Phéniciens, Vénitiens, Anglais. Le domaine est libre. Pas de concurrence. L’industrie européenne s’en est toujours détournée. Les mines russes suffisent à peine à alimenter l’Oukraïne usinière renaissante. L’Allemagne, ouverte sur le Nord et l’Est, ne regarde pas de ce côté. Même l’industrie française, lointaine, laisse le Midi méditerranéen au charbon gallois, aux cotonnades lancashiriennes. Si les vaisseaux des États-Unis, du Japon apparaissent, ce n’est encore que par éclipses, et pour vendre des articles que l’Angleterre ne tient point. Le domaine est ouvert. Tout autour, pays de civilisation attardée ou trop jeune, qui n’ont pas été renouvelés ou n’ont point été excités encore par le rendement industriel. Le Portugal est, depuis le dix-huitième siècle, le client-type et protégé de la Grande-Bretagne : charbon, fers et cotonnades, tout ce dont la vie moderne des villes a besoin, l’Angleterre le lui fournit. Partout, du Détroit de Gibraltar aux Détroits de Constantinople et de Suez, les navires de Liverpool, de Cardiff, de Newcastle déversent sur les ports méditerranéens les produits des mines, des usines anglaises. Tributaires de l’industrie britannique, l’Espagne, la Grèce, naturellement l’Égypte, mais aussi la Syrie, gare caravanière de l’Asie.