64 LES BALKANS FACE A L’ITALIE sentiers de pâtres. Partout ce sont les paysans, réfugiés jadis dans les citadelles montueuses, qui sortirent de ces conservatoires de la liberté pour conquérir les chemins vitaux. L’unité hellénique est due aux marins de l’Archipel. La Bulgarie, de part et d’autre du Balkan, assemble deux plaines fécondes. La Iougoslavie s’étire en remontant ici la Save et là la Morava, que continue, par des seuils faciles, la route étroite du Vardar. La Roumanie, le long des « routes de brebis » grimpant sur les Karpates, lie les plaines danubiennes aux plateaux herbeux transilvains. Mais alors s’arrête la mobilité balkanique. Le paysan-berger, descendu de ses hauteurs, trouve les larges plaines, démunies de ses propriétaires, prisonniers des anciens cadres. En Thessalie, en Macédoine, en Thrace, le bey musulman a disparu. Les grands propriétaires magyars doivent abandonner les fertiles Mésopotamies croates ou serbes, les riches bassins de Transilvanie. Ce sont leurs récriminations d’inconsolables qui qualifient de « mutilée » la Hongrie de Trianon. Jusqu’au nouvel Etat russe, qui doit laisser aux Roumains ses biens-fonds de Bessarabie. Les Balkans, affranchis politiquement, s’ouvrent à une nouvelle phase, celle de la construction sociale. Un immense transfert de propriété : tel est, depuis dix ans, le phénomène capital. Partout des lois agraires ont partagé les latifundia. Là où la population était faible, comme en Grèce, on a battu le rappel : les Grecs hors de Grèce, émigrés surtout de Turquie, ont pris possession des terres vacantes. Seule la Bulgarie a longtemps résisté : c’était au reste, tard venue dans l’indépendance politique, un pays de petits propriétaires, où les « agriculteurs », après trois ans de