LES BALKANS FACE A L’ITALIE Or, l’évolution n’est pas achevée. L’histoire balkanique a été retardée six siècles par la conquête ottomane. Lorsque disparaissent sous les coups des Turcs au Kossovo l’empire serbe, et à Byzance l’empire grec, l’anarchie balkanique ressemblait assez à l’anarchie occidentale, où, à travers les luttes régionales et les conquêtes du dehors, les nations modernes cherchaient leurs voies. Pour comprendre le présent, il faut se reporter à ces temps anciens. Tandis que durant cinq siècles se formaient lentement les États unitaires de l’Europe occidentale, Unité espagnole et Unité française, plus tard Unité allemande et Unité italienne, l’Europe sud-orientale était bâtie sur une union politique purement artificielle, qui reposait non sur la volonté nationale, mais sur une simple armature fiscale et militaire. Pourtant l’Unité ottomane dura longtemps après l’Unité byzantine : c’est qu’en l’absence du solide ciment moderne, la volonté, la conscience, des éléments intervenaient, qui facilitaient cette dominatrice centralisation. Et ces facteurs de coagulation n’ont pas disparu aujourd’hui. Pour qui parcourt les Balkans, malgré la diversité des langues, évidente paraît l’unité de la civilisation. Partout la molle Montagne domine, tantôt la Blanche, asséchée par la Méditerranée et son calcaire, tantôt la Noire boisée, tantôt la Verte, inclinant ses Alpes pastorales; partout la Montagne sainte, de l’Olympe à l’Athos; partout la Montagne qui fut, dans l’histoire ancienne et récente, le conservatoire des libertés. Mais cette Montagne hospitalière, aussi présente dans le folklore balkanique que le Volcan sur les estampes japonaises, a beau avoir longtemps isolé les cellules