46 LES BALKANS FACE A L’ITALIE adriatique. Ce fut toujours par la porte de Fiume que s’engouffraient les bois des forêts alpestres et karpati-ques, les parquets, la pâte à papier à destination d’Italie et de France, les sucres hongrois et bohémiens, les farines des minoteries de Budapest, les haricots, les tabacs des Piémonts serbes et croates, qu’attendent l’Italie et la Grande-Bretagne. C’est par Fiume qu’entrent en Croatie, en Hongrie, le charbon anglais, le riz et le jute de l’Inde, le coton des Etats-Unis. Le monde entier a besoin de cette porte. La porte méditerranéenne de Fiume s’ouvre sur le plateau slovène. Entre les crêtes qui dépassent 1.000 mètres, coupant les déserts de calcaire sans eau, une ligne de villages marque la seule route possible entre l'embouchure de la Riéka (Fiumara) et, au nord, la vallée de la Save. Un seul chemin de fer y court. Profitant de l’îlot humain, l’Italie a voulu outrepasser ses limites linguistiques, prendre pied sur le karst, d’où ses armées pourraientdévaler sur les plaines septentrionales. Ainsi elle coupait Fiume de l’arrière-pays. La Croatie et derrière elle la Hongrie ont besoin de Fiume. Mais Fiume ne peut se passer non plus d’elles-Les intérêts économiques communs l’emportent sur les dissensions politiques. Et l’État serbe-croate-slovène l’avait compris qui, depuis 1920, acceptait l’un après l’autre les empiétements italiens. Ce fut la politique de M. Nintchitch, fort attaquée à Zagreb, qui craignait la mainmise des immigrants, des commerçants d’Italie. « La politique poursuivie jusqu’ici, écrivait le Croate Obzor, et qui substituait des problèmes purement balkaniques aux intérêts adriatiques, s’est avérée complètement manquée, du moment qu’elle ne nous a apporté