44 LES BALKANS FACE A L’ITALIE historiques. Sur les murs des châteaux et des églises dalmates, Venise a déposé un badigeon de civilisation couvrant l’intense vie croate et serbe, ne parvenant à cacher ni la littérature savante ni la langue populaire. Mazzini le reconnaissait, qui voulait que l’Italie prêtât son aide à l’unité iougoslave. Mais l’union fut difficile : les grandes Mésopotamies vertes, serbes et croates, d’entre Danube, Save et Drave, sont séparées du Pri-morié, du «littoral» bleu, serbe et croate, par les hauts plateaux blancs, que les géographes nomment karst et les Slaves la Zagora, autrement dit YOutre-Montagne. La muraille dalmate n’a que deux passages, à l’une et l’autre extrémité : au N.-O. « la porte de Fiume ». où court le chemin qui mène vers Zagreb et les plaines septentrionales; au S.-Ë. la« porte de Scutari », d’où la piste du Drin blanc conduit au Kossovo, puis à la vallée Sud-Nord de l’Ibar. Or une fatalité ethnique prive de ces deux sorties le jeune royaume iougoslave : la ville de Fiume, sinon la campagne, est en majorité italienne, et le bassin de Shkodra (Scutari) est sans conteste albanais. Après avoir en vain tenté de garder ces portes, les Serbes-Croates-Slovènes se résolurent à négocier. L’Italie avait en 1919 reçu les frontières stratégiques qu’elle estimait nécessaires, et, pour cela, annexé 500.000 Slaves d’Istrie. L’Italie avait en 1920 obtenu les places maritimes qui lui semblaient indispensables, les deux grandes îles croates, Cherso, Lussin, qui gardent les passes du Quarnero, c’est-à-dire l’entrée de Fiume, Zara sur la côte dalmate et, au large, plus au sud, les deux îlots-vedettes de Pelagosa et de Lagosta. La Iougo-slavie s’était résignée.