L’AFFAIRE ALBANAISE 55 très ouvertures que la porte et les fentes, où l’on braque le fusil : aux angles, des pierres pointues, qui doivent accrocher les sorts. Pas d’instruction. Dans le massif mirdite du Nord, sur 18.000 habitants en 1921 trois savaient lire et écrire. La tribu disparaît déjà dans les vallées ouvertes du Sud, aménagées démocratiquement par les assemblées de villages. Mais, au Centre et surtout au Nord, entre le Mati et le Drin, le vieux monde médiéval subsiste, avec les inimitiés terribles, l’antique « loi du sang », codifiée au reste, la religion de la bessa, de la sauvegarde, qui pallie la vendetta, enfin la domination absolue du beg. L’étranger, qui veut agir, agit sur le beg : cela suffit. Tels autrefois Essad, aujourd’hui Ahmed Zogou. Ce qu’il convient d’empêcher, ce sont ces actes personnels. Il suffit d’une politique tenace d’un remuant ministre pour imposer à ce ramas de grands propriétaires un protectorat déguisé. D’où guerres civiles en perspective. Il est facile d’accuser les voisins de fomenter des révoltes. La preuve est impossible. L’Italie en sait quelque chose qui excitait Essad pacha contre le mbret germanique, le prince Wilhelm zu Wied. Maintenant les positions ne sont plus les mêmes : c’est l’italien qui protège le président des Shqipétar. Mais les séditions grondent. Jamais Tirana n’imposa sa loi aux clans de la Mirditie ou du Drin. Les fiss du Nord touchent les fiss albanais inclus dans les frontières iougoslaves. Les pâtres ne connaissent pas les limites des Etats. On voit comme il est aisé de suspecter les voisins de connivences et de troubles. Pour les prévenir, un seul remède. Il a déjà été tenté.