LA QUESTION MACÉDONIENNE 101 mérite. Il faut reconnaître l’effort que les hommes d’État bulgares ont imposé à la nation. Est-ce tactique? Le « Pensons-y toujours, n’en parlons jamais » vient inévitablement à l’esprit. Je ne crois pas, pour ma part, qu’il faille suspecter d’arrière-pen-sées des hommes qui m’ont paru parler à cœur ouvert. Avec ce mélange de fatalisme slave et de réalisme pratique qui caractérise l’esprit bulgare, si persuadés soient-ils que les Macédoniens sont des Bulgares, ils ont fini par comprendre qu’il faut renoncer au territoire. Ils Ont livré trois guerres pour le prendre : ils ont perdu la partie. Et les plus entêtés révolutionnaires, ces avocats, ces médecins, d’origine macédonienne, mais émigrés à Sofia, se sont adaptés à une autre lâche. Ils ont, sans doute, les larmes aux yeux, quand ils évoquent les misères anciennes de leurs villages, qui ont été des champs de bataille. Mais ils reconnaissent aussi la cruauté de ces vains massacres, où s’entre-tuaient les trois grands peuples des Balkans. Et s’est levé un grand espoir. Depuis que la Société des Nations a pris en mains les réfugiés, ceux-ci vont enfin toucher le but suprême. Le commissaire de la S. D. N., M. Charron, un jeune Français dont le cœur, l’intelligence, l’activité, ont trouvé la solution et accompli œuvre admirable, m’a conté comment ces paysans, qui errent depuis dix ans à la recherche d’une terre, n’arrivaient point à en croire leurs yeux. Sur les superbes terres alluviales incultes du littoral de la mer Noire ou les collines volcaniques du S.-O. de Bulgarie, on rassemble les émigrés. Le sol a été cadastré — avec l’aide de l’institut géographique militaire — et borné; on invite le paysan à tirer son