68 LES BALKANS FACE A L’ITALIE Nord le « Bocage », le Codrou des Roumains. Parfois l’horizon y est barré de côtes calcaires, entaillées de vallons, où se nichent les capitales moldaves, Iachi (lasi), Kichinau (Kichinev). Au Sud les bois se clairsè-ment; maïs, blés, colzas, ou sauges ou menthes viennent bigarrer soit la plaine fertile, soit la steppe herbeuse : même dénudation sur les deux rives du Prout, où, dans les ravinements boueux, poussiéreux, se terrent les villages d’argile aux toits couverts de roseaux. Les Codreani roumains — les « Bocains », disons-nous de nos paysans de l’Ouest — ont planté partout au Nord leurs petites maisons du catoun, du village national, que l’on retrouve aux autres Bocages, ceux du Piémont valaque, du Banat au delà des Monts : enfouies dans les futaies de chênes, elles empruntent au bois même leurs matériaux immuables. Rien de commun avec les lourds villages oukraïniens, à peine visibles sur l’immensité vallonnée de la terre noire, de la steppe russe. La colonisation russe n’a jamais pu franchir la région déboisée, et encore les quelques paysans installés dans la Bessarabie méridionale ont-ils dû partager la terre avec des colons bulgares, venus du Sud, des colons allemands, émigrés de Transilvanie. 700.000 Ruthènes ou Oukraïniens, 330.000 Juifs, 185 000 Allemands, éparpillés sur la rive droite du Prout : en face, 3 millions et demi de Roumains, les hommes des bois, ne descendant guère sur les steppes, domaine jadis des grands propriétaires slaves, dans les villes naguère la proie des cabaretiers et banquiers juifs. L’installation de la Roumanie moderne sur le glacis moldave entier fut non seulement une occupation territoriale, sanctionnée par un plébiscite, mais encore une