104 LES BALKANS FACE A L’ITALIE tente. Dans Skoplié, qui a doublé de population et d’étendue depuis la guerre, où se mêlent dans un pittoresque, rare même en Orient, l’élégance voilée des Turques, la lourdeur des paysannes au long manteau de bure rutilante, la sveltesse des Serbes immigrées habillées à la dernière mode parisienne, dans les échoppes du bazar, dans les magasins de la ville neuve, on n’aspire qu’à la paix, qu’à l’entente entre deux frères. Et l’on commente avec satisfaction le toast récent du gouverneur de Sofia, le général Lazarof, dans un banquet de foot-balleurs, qui espérait boire bientôt à l’unique drapeau sudslave. Est-ce à dire que tout soit réglé? Folie que le prétendre. Si le problème territorial a disparu, le problème intellectuel subsiste. Les Bulgares demandent pour les Macédoniens les « droits des minorités », en appellent à la Société des Nations. Les Serbes prétendent qu’il n’y a pas de « minorités » en Macédoine. Ils l’ont même débaptisée et la nomment « Serbie du Sud » : mes amis serbes me permettront de leur dire que c’est là un enfantillage. Mais déjà de jeunes Macédoniens l'ont leurs études en Serbie, entrent même à l’Académie militaire de Belgrade. Ceux-là non plus ne songent point à changer d’Etat. Il n’y a qu’à entrer dans un de ces villages, que les Bulgares annexaient jadis sur la carte, pour entendre le paysan se féliciter de la fin des maux. Encore quelques années le comitadji faisait irruption : le paysan terrorisé jurait sur les couteaux qu’il était Bulgare, mais surtout était rançonné soi-disant pour la patrie. Ce laborieux, que derrière ses bœufs gris ou ses buffles noirs on voit trimer durant les journées de chaleur, ce patient