— 82 — ün peut le reconnaître encore mieux, si on se souvient du caractère particulier qu’avait la transformation du régime féodal en Autriche. En France, où la population est homogène, la Révolution a détruit la diversité des classes et l’oppression des unes par les autres ; en Autriche, où la population se composait de huit groupesnationaux etoù presque généralement les classes supérieures allemandes opprimaient le peuple de nationalité slave, qui avait perdu sa noblesse nationale, cette libération sociale et économique s’est manifestée naturellement sous la forme d’une libération nationale. La Révolution y a pris ainsi forcément un autre caractère, un caractère plus politique et national. A cela venaient s’ajouter les idées de la philosophie française qui rendaient à ces peuples leur conscience nationale, soutenaient les masses dans leurs luttes sociales, rendaient leur cause doublement importante et juste. Les philosophes de la Révolution sont ainsi en substance les pères de la renaissance tchèque. 11 est incontestable que les théories de Rousseau avaient pénétré en Bohème dès la fin du xvm' siècle et elles y avaient été en particulier répandues par diverses loges maçonniques ; elles y étaient propagées d’autant plus rapidement qu’elles répondaient aux besoins les plus profonds des races slaves, mystiques et-éprises d’égalité et qu’elles paraissaient un écho élargi de l’Unité des Frères et de Come-nius. Elles ne s'emparèrent complètement des esprits qne vers 4815, et les impressions primitives furent fortifiées et exaltées par l’influence des écrivains allemands Kant, Gcethe et spécialement Herder (1). Rousseau écrivait pour les Tchèqnes comme (1) E. Denis, 0. c., II, p. 10.