D’ autres part, un grand nombre de familles italiennes s’ étaient établies à Krk, au cours des siècles où elles avaient trouvé des conditions de vie identiques à celles .qui existaient dans leur patrie, ce qui explique leurs sentiments et leurs noms italiens. Beuacoup d’habitants slaves de cette ville devinrent les métayers des propriétaires terriens italiens et les uns, par respect, les autres par force, durent partager les idées politiques de leurs maîtres. En outre, Krk a conservé le plus longtemps une branche de la langue vieux-dalmate, complètement disparue aujourd'hui, dont ont parlé M. Bartoli et P. Skok.18) Il y a quelques années mourut Burbur Udina, qui fut le dernier parlant le vieux-dalmate appelé encore »vegliotto« L'influence du vieil élément dalmate dans la ville de Krk était si forte que beaucoup de termes de cette langue ont passé dans la langue croate, et même dans le dialecte vénitien, et la ville elle-même est restée longtemps en relations spirituelles avec l'Italie, même après la chute de la république de Venise. L'Autriche favorisait par tous les moyens cet état de choses qui convenait à sa politique anti-slave; elle voyait en effet avec plaisir, au milieù d’un peuple de pure race croate, plus acharné encore que les Vegliotti, à conserver ses vieilles moeurs, subsister un oasis de langue er de nationalité étrangères. C’est pourquoi elle accordait la nationalité autrichienne à beaucoup d’immigrés italiens. En 1910 l’Autriche compte à Krk 37 étrangers (Staatsfremde). Parmi eux 20 au moins sont Italiens, donc dans une proportion de 50%, et parmi le reste de la population, 1.434 personnes environ parlaient habituellement l’italien (langue en cours — Umgangssprache — Lingua parlata). Aujourd’hui il y a à Krk 759 Italiens (43.12%) dont un seul est né en Italie, tandis que les autres sont des optants. Les aspirations italiennes s eveillèrent de nouveau, après la débâcle de 1’ Autriche, dans le coeur des vieux Italiens qui étaient devenus Autrichiens par la force des choses et ces aspirations grandirent encore quand D’ Annunzio par la voix de ses arditi leur eût promis toutes sortes de faveurs, s’ils optaient pour 1’ Italie. Il y eut un grand nombre d’optants, dont beaucoup d’entre eux se repentent aujourd’hui de ce qu’ils ont fait, et demandent à être naturalisés Yougoslaves, car ils comprennent que l’Italie les a abandonnés et n’ a pas tenu ses promesses. 45% des sujets italiens de Krk portent des noms italiens, et les autres des noms slaves. Ils exercent les professions de commerçants, paysans et surtout pêcheurs. A ce sujet, je veux citer un détail interéssant: nul part ailleurs sur notre côte on ne trouve ce type de bateau de pêche »bragozzo« si répandu sur la côte italienne de Rimini à Caorli, excepté à Krk. Voilà qui prouve que ces Italiens sont immigrés à Krk depuis peu de temps. La ville de Krk est le centre politique et économique de l’île et la population gravite vers elle; c’est pourquoi les Italiens peuvent y vivre. Ils ont là une école primaire frequentée par 90 écoliers, une garderie avec 38 enfants, et une école professionnelle de filles avec 33 élèves. (Ceci d’après les données de nos statistiques 1928—29). Ce sont leurs seules institutions de culture intellectuelle. * 18) M. B.: »Das dalmatinische altromanische Sprachreste von Veglia bis Ragusa und ihre Stellung in der apennino—balkanischen Romania« — Schriften der Balkankommission, linguist. Abt. IV, V. Wiener Akad. d. Wiss. — P. Skok: »Apparitions du vieux latin populaire dans les inscriptions de la province romaine de Dalmatie«. Académie des sciences de Zagreb 1915. 13