— 10 — desseins de domination. Sans daigner prendre en considération les contingences réelles des questions à résoudre, eux et leurs ministres s’arrêtaient à des palliatifs, que d’avance ils savaient devoir produire un effet diamétralement opposé à celui que la conscience humaine était en droit d’en attendre. Vint la guerre balkano-turque et la tuerie atteignit son point culminant ; mais cela aussi n’eut point le don d’émouvoir le cœur endurci de la diplomatie européenne. La lueur des incendies, les cris de détresse des milliers de victimes laissèrent complètement impassibles les habitués de l’Olympe diplomatique de la vieille Europe. Il y eut de ci, de là, des cœurs nobles qui s’émurent; il yen eut même qui essayèrent de rompre la conspiration du silence dans les parlements; mais leur voix demeura sans écho, et leurs appels généreux furent étouffés sous le verbe puissant et persuasif des défenseurs de la raison d’Etat, sous laquelle on s’efforçait de cacher la crainte qu’on éprouvait d’indisposer le grand manitou rouge qui trônait à Pétersbourg. Ce n’est qu’en Amérique, pays de liberté, terre de toutes les nobles initiatives, que la conscience publique probe et honnête, se révolta au récit des horreurs que des fauves à face humaine étaient en train de perpétrer dans les Balkans, tout comme elle l’avait déjà fait une autre fois en 1876, à l’occasion d’autres atrocités et d’autres massacres, qui eurent pour théâtre ces mêmes contrées. Sous la pression de cette opinion, la Dotation Carnegie pour la Paix internationale, n’écoutant que la voix d’un devoir à remplir envers l’humanité souffrante, institua une Commission d’enquête, dont firent partie des personnalités, dont on ne peut mettre en doute la compétence, la respectabilité et l’impartialité scrupuleusement correcte.