— 120 conçu et aussi délibérément exécuté. Ne devait-on pas exterminer les allogènes du pays pour permettre que quelques dizaines d’artisans-pionniers du serbisme, émargeant au fonds de la propagande de Belgrade, qu’on avait eu la précaution d’établir dans le pays avant la guerre, pussent assurer la majorité dont on voulait se prévaloir. Gela aurait permis à la Serbie de s’approprier le pays par self-détermination du peuple, comme on a pris l’habitude de dire depuis quelque temps. Les officiers se faisaient un devoir de ranimer les « défaillances w de leurs subordonnés (voir enquête Carnegie). Au besoin ils sévissaient immédiatement contre ceux de leurs hommes qui, ayant la conscience délicate, paraissaient bouder à la besogne. En tous cas, ils ne se ménageaient guère à donner l’exemple des brutalités et du pillage. Sous ce rapport, ils payaient largement de leurs personnes et c’était leurs revolvers qui donnaient le signal des massacres. Ils obéissaient ainsi aux ordres reçus au moment de l’entrée en campagne. Aussi ne songeaient-ils qu'à attiser la haine des leurs et à l’exacerber par des mensonges. Il n’est pas jusqu’au sexe auquel appartiennent les mères qui n’ait voulu jouer son rôle dans cette curée. N’est-ce pas à une des réceptions officielles du Konak de Belgrade, quelques jours seulement avant la déclaration de la guerre, qu’une grande dame — grande par son rang, mais hélas! point par le cœur — s’écriait à voix assez haute pour être entendue de tous les traî-neurs de sabre qui lui faisaient cercle : « Surtout n'en laissez pas ! » Mot si bien pris à la lettre qu’il devint l’obsession des blessés dans le délire de la fièvre, tel ce jeune et brillant officier, fils d’un haut dignitaire du royaume, qui ramené blessé à Belgrade, ne cessait de crier : — Tuez-les ! Tuez-les tous ! N’en laissez pas 1 C’était l’ordre qu’il avait reçu au moment de quitter Belgrade et cet ordre il l’avait scrupuleusement exécuté partout sur son passage et il ne pouvait l’oublier même sur son lit de douleur1. 1 Du reste, la haine des Serbes contre les Albanais, dont le plus grand crime est de se trouver sur le chemin de l’Adriatique, fait l’objet en Serbie d une éducation en règle. Dès leur plus jeune âge, on y in-