— 119 — qu’on pourrait appeler leur « verve » sanguinaire, déçue par la débandade et le désarroi turcs. Ils s’abattent sur une région comme une nuée de sauterelles, ne laissant que ce qu’il fallait à l’armée régulière qui suivait, pour procéder à des rapines plus méthodiques. Quant à la vie humaine, comi-tadjis et réguliers en prenaient fort à l’aise avec elle. Ceux-ci n’y apportaient seulement qu’un peu plus de discipline, sans que les opprimés pussent s’en féliciter ; le résultat sanglant n’en était que plus complet. Telle était la manière. Les villages investis, on réunissait en un point désigné les hommes valides et « dans le tas » on faisait jouer les mitrailleuses. Puis cette belle besogne chrétienne accomplie, évidemment pour que nul parmi les survivants n’ « en ignore », la soldatesque, rassurée par cette intimidation préalable, se livrait à des perquisitions domiciliaires à la recherche d’armes. En réalité, c’était pour toucher la « récompense » de l’action d’éclat précédente. L’opération terminée, on finissait en apothéose par l’incendie du village dans lequel on poussait à coups de crosse femmes et enfants pour animer le tableau1. Tout cela faisait partie d’un plan mûrement « De Prizrend à Alessio, il y a 150 kilomètres. En certains points, » les Albanais servirent eux-mêmes de guides à l’armée serbe. Ils lui pro-» curèrent des vivres, car à travers ces gorges, ces défilés, il était im-» possible de porter avec soi d’abondantes provisions. Malgré tout, on » souffrit naturellement beaucoup de la faim. On ne souffrit pas moins »du froid. Le thermomètre descendit à —12° ; néanmoins un unique » soldat tomba malade en route. C’est seulement après le passage de » l’armée qu’il y eut un essai de résistance dans le pays de Liowna et » dans un quartier de Dibra; des embuscades, cela va de soi. Cette » tentative de résistance, rapidement et complètement réprimée, ne fut » pas renouvelée d’ailleurs par la suite. » Ceux qui savent lire entre les lignes, ceux qui sont familiarisés avec les détours et les arcanes du langage diplomatique n’ont pas besoin qu’on attire leur attention sur des points particuliers ; sans que nous mettions les points sur les i, ils voient toute la bassesse de la perfidie serbe et toute l’étendue de la terrible réalité qui se cache sous le dernier paragraphe de cette citation. 1 « Les envahisseurs détruisirent 300 villages et 35,000 habitations, » laissant sans asile 330,000 âmes. 20,000 femmes et enfants furent s fusillés ou tués à coups de baïonnettes par les Serbes et les Monté-» négrins. » — Boston Daily Globe du 8 novembre 1915. A la même date, le Boston Herald, sous la plume de M. Geo. Fred. Williams, écrivait : «Je crois en un Dieu de châtiment et de vengeance. Quiconque a manié le glaive périra par le glaive ; la fétidité des gaz de guerre allemands doit avoir pour les tranchées serbes la même saveur que la puanteur des cadavres albanais dont les Serbes ont jonché leur passage en Albanie. »