l’ancien REGIME taires, à l’université de Vienne, même dans certaines écoles de Prague Joseph, toujours absolu, ne tolère plus dans son empire unitaire qu’une langue : la langue d’État, l’allemand. Il croit pouvoir établir sa volonté à coups de décrets, et n’entrevoit ni l’absurdité, ni l’impossibilité de son entreprise. « Je suis empereur d’Allemagne. Donc » — toute l'erreur du raisonnement tient dans ce « donc » — « mes autres États sont des provinces, » et il conclut : « la langue allemande est la langue universelle de mon Empire » a. Il édicté, par suite, qu'elle sera seule la langue de l’administration et de la justice, ainsi que de l’enseignement supérieur et secondaire ; elle devra être propagée autant que possible dans l’enseignement primaire, dont les maîtres au moins devront la posséder à fond. Les fonctions publiques, les professions libérales, la carrière ecclésiastique seront fermées à qui l'ignorera. Les délais de transition sont extrêmement courts : trois ans en général ; en Hongrie, où les juges et les avocats, tous nobles magyars, ne connaissaient, outre leur parler natal, que l'olliciel latin de cuisine, où, après quatre ans d’application des nouvelles mesures, dans huit comitats il ne se trouvait pas encore un juge qui sût l’allemand, le délai, terme de grâce compris, est de six ans :!. Le succès, dans de pareilles conditions, était impossible. La germanisation précipitée et brutale de Joseph n'eut pour eifet que de remettre en question tous les résultats de la germanisation lente et douce de ses prédécesseurs. En Hongrie, à la place du latin qu’il avait dépossédé, de l’allemand qu'il n’avait pu lui substituer, la noblesse magyare veut désormais installer sa langue nationale : ce sera le plus sûr moyen d’écarter à jamais du pays toute administration étrangère. En Bohème, l’aristocratie a découvert ou va bientôt découvrir de quelle utilité peut lui être le tchèque dans sa lutte contre la bureaucratie de Vienne. Ainsi Joseph a préparé le terrain aux mouvements nationaux qui, à peine l’ordre européen rétabli par le congrès de Vienne, commencent à agiter et à ébranler la monarchie. 1. Je ne puis qu’effleurer ici cette question des langues, la plus épineuse de toutes les questions autrichiennes. Elle est, au point de vue historique, très bien résumée, avec des faits souvent nouveaux, dans l’introduction que M. Fischel a mise à son recueil, Das 0>¡t. Sfirachenrecht; v. notamment pp. XXIX-XXXII. Si les conclusions de l’auteur sont trop inspirées du désir de justifier historiquement la solution qui répond à ses idées politiques et nationales, son exposé des faits est consciencieux et impartial. 2. Fischel, o. c., XXXVIII. 3. À mag. nemzet tort., VIII, 441.