94 LA RÉVOLUTION ET LA RÉACTION l’identité du souverain, et celui-ci était représenté, en Autriche et en Hongrie, par deux princes différents ; mais c’était une mesure inévitable : l’empereur à Innsbruck était séparé de ses conseillers constitutionnels, entouré de diplomates en congé ou en mission, d’aristocrates, de militaires : il fallait, à tout prix, détruire l’apparence du gouvernement d’une camarilla '. Avant de partir pour Francfort, où il venait d’être élu, parle Parlement allemand, vicaire de l’Empire, l’archiduc eut juste le temps d’accepter la démission de Pillersdorf, renversé par le comité de sûreté, et de confier au baron Dobllioffla mission de former un nouveau cabinet. Celui-ci ne se signala que par l’incapacité de ses membres. Deux ministres tranchaient sur les autres : Latour, général de mérite, très-aristocrate et conservateur, qu’il avait fallu laisser à la guerre par égard pour la cour, et Bach. Bach, l’un des coryphées de l’opposition avant la Révolution, auteur d’une des pétitions de mars 1848, considéré comme le représentant par excellence de la démocratie et appelé à ce titre au ministère de l’intérieur, eut l’honneur de saluer au nom du gouvernement, le 22 juillet, le Parlement autrichien. où, pour la première fois depuis la Révolution, l’Autriche occidentale se présentait à nouveau dans son unité. La Bohême n’avait joui que deux mois de la semi-indépendance que lui promettait la charte du 8 avril. Au lendemain du triomphe s’était constitué à Prague, presque par la force des choses, un gouvernement quasi-révolutionnaire. Le comité de Saint-Venceslas, élu par la réunion du 11 mars, et qui avait préparé les pétitions à l’empereur, continuait de siéger. Pour l’amener à se dissoudre, le gouverneur se nomma à lui-même un conseil de notables ; mais le comité feignit de ne pas comprendre, et vota sa fusion avec les notables : le gouverneur n’osa pas résister, et le « comité national » se trouva ainsi constitué (i3 avril). Le gouverneur n’avait donc réussi qu’à donner un air d’autorité officielle à une assemblée révolutionnaire. Nombreux, divisé en sections par spécialités, correspondant avec des sociétés affiliées ou des hommes de confiance dans tout le pays, le comité exerçait une action puissante. Sa politique nationale tchèque s’accentua encore lorsque le gouvernement de la province eut été confié au plus national des membres de la noblesse de Bohême, un aristocrate ami de Palackÿ et franchement tchèque de sentiments, le comte Léo Thun 2. 1. Pillersdorf, Bandsch. Nachlass, 141. 2. Jaroslav Goll, F. Palackÿ, 29-31. M. Denis, o. c., II. 2tj9-282, est beaucoup plus sévère pour Thun. -a