23o LES ESSAIS D’UNITÉ CONSTITUTIONNELLE térêt pour les travaux du Reichsrath et que la bourgeoisie récompensait par des ovations et des adresses son défenseur '. Majorité et minorité craignaient également de paraître vouloir dicter sa conduite à l’empereur. Dans la déroute du système, l’autorité et le prestige du souverain, qui pendant dix ans s'était identifié avec lui. restaient intacts. Seuls, les Hongrois avaient conscience de leur force nouvelle ; mais, par tactique, ils s’abstenaient de la faire sentir. Les Autrichiens au contraire étaient comme paralysés par un superstitieux respect du pouvoir dynastique. Ils n’osaient pas réclamer ou exiger de droits pour leur patrie ; ils en imploraient de l’empereur, par octroi, par grâce ; et, même sollicités par lui de lui donner un conseil, ils déclinent son invitation, comme si, en lui obéissant, ils craignaient d’attenter à sa majesté. Sous les vagues formules adoptées à dessein, la réalité, cependant, apparaît très claire. La minorité est nettement centraliste : pour elle, l’unité de l’Empire est le principe fondamental d’une nouvelle organisation de la monarchie ; l’autonomie des provinces n'a point d’autre sens que celui d’une simple décentralisation administrative, d’une concession faite par l’Etat souverain. Pour la majorité au contraire, l’autonomie est primordiale, et l’unité de l’Empire dérivée. La différence de leurs vues éclate dans les prescriptions sur la présomption de compétence : la minorité l’attribue explicitement à l’Empire, la majorité tacitement aux provinces. Dix ans après Kremsier, on retrouve ainsi en présence les deux doctrines qui luttaient si vivement au comité de Constitution, et le Reichsrath formule à nouveau les programmes des deux grands partis qui, aujourd’hui encore, dans l’Autriche réduite par le dualisme à la Cisleithanie, s’opposent l’un à l’autre avec autant de raideur et d’ardeur qu’alors : les fédéralistes et les centralistes. Dans la discussion et au vote, le groupement des partis et des nationalités sur cette question fondamentale apparut nettement. Du côté de la majorité se range tout ce qui est aristocrate sans exception : toute la haute noblesse, et les représentants des pays où le droit historique signifie la domination d’une aristocratie nationale, les Hongrois et les Polonais. De l’autre, la plupart des fonctionnaires appelés au Reichsrath, centralistes par habitude d’esprit et par doctrine, et les représentants de la bourgeoisie, avocats, industriels ou commerçants, centralistes par tradition nationale allemande, par intérêt matériel — car le maintien de l’unité de législation et d’administration est pour eux le gage de 1. Dreissig Jahre, 1,47-8.