l’ancien régime l'appréciation des meilleurs moyens de les préserver. Mais les Hongrois fidèles et catholiques savent fort bien de quelle importance est pour eux l’existence de la Hongrie nationale 1 : entre les deux, les ponts 11e sont jamais complètement rompus ; les relations de làinille, les rapports personnels des chefs, contribueront beaucoup à la pacification finale. C’est à l’occupation turque, au maintien sous l'égide du sultan d’un foyer de vie nationale en Transylvanie, à la modération relative qu’imposait aux Habsbourg la crainte de rejeter, par un excès de violence, la nation entière vers l’Islam, que la Hongrie a dû de conserver ses libertés dans le moment où la Bohême perdait les siennes. Elle les a d’ailleurs héroïquement défendues et chèrement payées. Contre la politique « de recatholicisation et d’autocratie »* de la cour, la Hongrie protestante et constitutionnelle a soutenu la lutte par six formidables insurrections. De i5a6 à 1711, elle a supporté les maux successifs et souvent simultanés de l’occupation turque et de la guerre étrangère, de la guerre civile, des vengeances impériales. A ce prix, elle est restée un facteur indépendant de la politique européenne dans le grand conflit politique et religieux qui, au xvne siècle, met au prises les Habsbourg, qui poursuivent la domination universelle, et leurs ennemis coalisés. C’est ce conflit même qui lui a permis de résister victorieusement anx forces autrichiennes malgré leur supériorité. Si la maison d’Autriche avait borné son ambition à supprimer la Constitution hongroise, à incorporer la Hongrie dans l’État autrichien, il est certain qu’elle aurait atteint son but3. Mais son plan était plus vaste : c’était contre toute liberté politique et religieuse qu’elle luttait, contre l’indépendance nationale, pour le catholicisme et la monarchie universels. Les insürrections hongroises deviennent ainsi un élément des calculs de la diplomatie européenne : elle les soutient, même elle les suscite ; la Suède et la France pendant la guerre de Trente Ans, la France pendant les guerres de Hollande et de la succession d'Espagne négocient et traitent avec les insurgés. Sans doute, la Hongrie fait souvent un mauvais marché, et ses alliés, lors des règlements de comptes, l’abandonnent. Mais, souvent aussi, lorsque l’empereur, engagé dans de trop vastes 1. « On ne nous respecte à Vienne, nous autres Hongrois, que tantqu’un prince national règne en Transylvanie. » Parole du primat Pâzmàny, Radô-Rothfeld, p. 31. 2. Marczali. Enchiridion, 481. 3. Andràssy. Ungarm Âusgleich mit Oesterreich, 104-8.