LE DIPLÔME D’OCTOBRE 245 ment ses revendications. C’est le service qu’il a rendu alors à son pays, et c’est par là qu’il a l'ait du Diplôme le premier acte du Compromis. La nation le suivit volontiers. Si, dans le premier moment, elle avait été surprise et un peu gênée par la nouveauté du Diplôme, très vite elle se reprit ; elle considérait les concessions du pouvoir comme la preuve, non pas d’une conversion sincère, mais de la faiblesse, de la situation désespérée de l’Autriche ; et, naturellement, elle était moins disposée que jamais, dans ces conditions, à sacrifier son idéal national. Les conservateurs, les hommes d’octobre, qui vivaient en grande partie à Vienne, en relations avec la cour et avec les représentants de l'étranger, qui voyaient la situation en Européens plus qu’en Hongrois, ne partageaient pas cette illusion. Ils savaient que l’Autriche, malgré ses défaites, existait et continuerait d’exister, et qu’il fallait compter avec elle. Mais dans le pays, où l’on avait vécu l’oppression de Bach et le brusque écroulement du système, la profondeur de cette chute faisait croire à la disparition prochaine de la monarchie, ou tout au moins à son affaiblissement durable. Kemény, en 1860, soutient des thèses, préconise une politique tout autres que dix ans avant : il faut, dit-il, insister, sans provocation, mais avec précision sur les lois de 1848, en faire ressortir moins l’aspect national que l’aspect démocratique, pour les opposer au programme conservateur de 1847. ménager autant que possible les nationalités non magyares, pour les gagner par la comparaison de ce traitement avec celui qu’elles ont subi sous Bach et s’épargner les difficultés d’une agitation nationale ; et pousser, tant qu’on peut, le parti libéral allemand d’Autriche du côté de l’unité allemande, puisque c’est le moyen de rendre inévitable l’union personnelle Le but ainsi marqué, le courage d’agir augmenté par l’idée de la faiblesse de l’adversaire, les conservateurs se trouvaient en présence de difficultés auxquelles leur influence dans le pays ne suffisait pas à faire face, alors qu'à Vienne aussi ils avaient à lutter contre des tendances hostiles à leurs idées. Entre eux, il y avait quelques nuances d'opinion : Szécsen était plus à droite, Vay plus à gauche, l'un voyant les choses plus en Autrichien et en diplomate, l’autre enclin à tenir compte davantage des sentiments et des passions du pays. Mais une idée commune les unissait, et une idée juste : l’idée qu’après ces dix années d’oppression, source de haine et de défiance accumulées, le 1. Lettre à Max Falk, Beksics, Kemény Zs., 227-9.