LA RÉVOLUTION (1848-1849) 89 que jamais, elle aurait eu besoin d’être unie, forte et riche. En Italie, le soulèvement national conduit par le roi de Sardaigne, Charles-Albert, menaçait la domination autrichienne ; lladetzky, contraint de battre en retraite, était poursuivi victorieusement par les Sardes. En Allemagne, le Parlement préparatoire de Francfort venait de prescrire la réunion d’une Assemblée constituante allemande ; que deviendrait dans l'Allemagne unifiée l'hégémonie de l’Autriche? Et, s'ils perdaient l’Italie et l'Allemagne, quelle ligure feraient en Europe les Habsbourg? Leur monarchie héréditaire même, pourraient-ils la conserver? Allemands, Magyars, Slaves semblaient n'obéir qu’à la passion nationale. Beaucoup d'Autrichiens, et même de bons Autrichiens, désespéraient de l’Autriche ; l’Allemagne, l'Italie, la Hongrie unifiées se partageraient ses dépouilles ; les Slaves se jetteraient dans les bras de la Russie. Quelle place l'Etat artificiel, maintenu plus de trois siècles par une politique absolutiste et purement dynastique, aurait-il pu conserver dans l’Europe nouvelle, l’Europe de la liberté et des nationalités ? II La foi en l’avenir de l’Autriche ne s’était conservée qu’à la cour, c’est-à-dire dans le cercle étroit de la famille impériale et de ses plus intimes confidents. L’empereur ne comptait pas : c’était une poupée dont d’autres tenaient les fils. L’impératrice, poussée moins par l'ambition que par sa tendresse pour un mari qui avait tant besoin de protection, l’archiduchesse Sophie, fière, impérieuse, jalouse de l’héritage qui devait revenir à son fils, formaient le centre de ce cercle. Elles recevaient les avis d’anciens fonctionnaires avec lesquels elles étaient depuis longtemps en communauté d’idées, et qui eux-mêmes suivaient la pure doctrine de Metternich : Kübeck, l'ancien président de la Chambre aulique, était le plus notable et le plus consulté. A ces influences s'ajoutaient celles de l’entourage habituel de la dynastie, des représentants des grandes familles de l'aristocratie, conservateurs à l’extrême, très catholiques, formés pour la plupart dans le service diplomatique et qui, par conséquent, n’avaient d’yeux que pour la situation européenne de la monarchie, et considéraient avec horreur la Révolution dans toute l'Europe. Dans ce groupe, le plus écouté des conseillers des princesses était le prince de Windischgrâtz. C’est lui qui, en donnant du courage à la dynastie dans les moments les plus