LES ESSAIS D’UNITÉ CONSTITUTIONNELLE il confiait ses déclarations au public, plus ardent, moins réfléchi, pénétré encore des idées de sa brochure de i85o f, voulait, dès le premier instant, poser le dilemme : Diplôme ou lois de 1848. Deâk le retenait, le priait de ne formuler dans son journal aucune opinion précise sur le Diplôme. — La lutte fut courte ; Kemény, voyant l’opinion désorientée, craignait qu’elle ne s’engageât à faux en faveur du Diplôme. On condamnait devant lui les lois de 1848 : ni sa raison ni ses sentiments ne purent plus longtemps se contenir. « Il ne faut pas toucher aux lois de 1848 : beaucoup de sang a coulé pour elles ; par elles, le Diplôme pourra être vaincu. » Et, le a5 octobre, il publie dans son journal l’article qui déploie la bannière des lois de 1848, qui réclame la restitutio in integrum, qui donne aux adversaires du Diplôme le mot d’ordre par lequel ils vaincront Mais, si Deâk et ses amis restent fidèles à leur programme, ils changent entièrement leur tactique. Envers le régime d’octobre, la passivité serait injustifiée, et elle serait une faute. Il n’y a plus, au gouvernement, des négateurs absolus de tous les droits de la Hongrie, des ennemis de son existence même ; ce sont au contraire des patriotes qui dirigent les affaires du pays, et qui exercent en même temps une influence prépondérante sur celles de la monarchie. Leurs vues politiques peuvent n’être pas justes, mais leurs intentions sont les meilleures ; à les brusquer, on risquerait de ne faire que du mal, de nuire à la cause que l’on veut servir. Non seulement Deâk, s’il veut éviter de compromettre et lui-même et les plus importants de ses amis dans cette expérience, conseille aux autres de ne pas refuser rudement et brutalement leur concours ; mais Kossuth, l’intransigeant, hésite : certaines des concessions du Diplôme lui paraissent assez précieuses pour justifier l’abandon de la passivité, et l’ouverture d’une politique active, bien que toujours d’opposition à l’extrême. L’embarras de la nation devant ce brusque changement du pouvoir était grand ; l’espoir, le doute, la défiance se combattaient. Deâk vit clairement pour elle : il vit qu’il fallait prendre le Diplôme non pour ce qu’U voulait être — un acte, une loi inaltérable — mais pour les intentions qu’il décelait, intentions de paix et d’entente ; qu’il fallait le considérer comme une première proposition du pouvoir, et profiter des occasions qu’il offrait — les comitats et la Diète — pour reconstituer l’organisation politique de la nation, et faire entendre officielle- t. V. plus haut, p. 133. 2. Beksics, Kemény /s.. 227-9.