LA RÉVOLUTION ET LA RÉACTION une Assemblée unique, formée de délégués des divers groupes, constituant une sorte de Sénat fédéral. Son projet, qu’il nomme fédéraliste, est en réalité autonomiste ou décentralisateur1. Les nombreuses vues justes qu’il contient sont souvent gâtées par trop de doctrine et d’abstraction. Intéressant surtout parce qu’il montre qu’à ce moment les Tchèques, après l’échec de leur programme historique, prenaient pour principe le droit naturel des nationalités, il n’a eu d’effet pratique que par les quelques dispositions que lui a empruntées le rapporteur de la commission de Constitution, Gaétan Mayer 2. Ce député de la Moravie, membre du « Marais », comme il disait lui même quelquefois, toujours de bonne humeur, conciliateur professionnel, bien servi dans ce rôle par une éloquence verbeuse et tiède qui noyait les difficultés, indécis lui-même sur ses opinions et sur sa nationalité, se disant Slave parce qu’il était né en Moravie, et défendant des idées allemandes, était bien le rapporteur qui convenait à cette commission singulièrement composée. Les députés de chacun des dix anciens gouvernements cisleithans y avaient élu trois membres : proportion toute au profit des provinces allemandes, plus petites, mais plus nombreuses 3 ; la majorité des trente membres de la commission était ainsi allemande et centraliste. Mais, dans l’assemblée, la majorité était slave et fédéraliste. Ce fait, puis la situation du Parlement depuis la prise de Vienne, l’attitude de plus en plus hostile du ministère, imposaient à la commission l’obligation de se modérer pour aboutir, si elle ne voulait pas mettre en question le succès de la mission de la Constituante. Ses discussions ne modifièrent qu’assez légèrement le projet que Mayer, après des conférences avec Palackÿ et Gobbi, avait rédigé en s’inspirant de leurs observations. Dans le sens centraliste, outre quelques députés obscurs, c’était surtout Brestel, un mathématicien, remarquable par son sang-froid, sa logique et la clarté de ses formules, qui présentait des amendements, assez souvent adoptés. Parmi les fédéralistes, l’orateur le plus fréquent, le plus ardent et le plus brillant était Rieger ; mais ses qualités mêmes et son tem- 1. Reiger, Üstava rakouska die F. Palackého, dans Pamatnik, 603. 2. Les deux projets de Palackÿ ont été publiés avec introduction et notes par M. B. Rieger dans F. Palackého Spisy drobné-Spisy zoboru politiky, n° 16 et 18. M. Rieger a publié également une importante et intéressante étude sur ce projet dans le Pamatnik, Vslava rakouska die F. Palackého v. I. 18i8-9. 3. Il est curieux, dans ces conditions, de voir Springor. Protokolle, 4, reprocher aux Tchèques d’avoir exclu delà commission les députés de la Bohême allemande.